- Sophie a écrit:
- […] La fonction des récits « immodifiables » est justement celle-ci: contre le désir de changer le destin, ils [les récits immodifiables] nous font toucher du doigt l’impossibilité de le changer. […] Je crois que cette éducation au destin et à la mort est une des fonctions principales de la littérature »
La première chose qui me dérange ici, c'est la notion de "destin". Celle-ci apporte
ipso facto la notion de religion, d'être supérieur ayant déjà établi la vie, nos vies, "c'est notre destiné".
Parler "[d']éducation au destin" revient plus ou moins à parler d'éducation à la religion,
à la foi. Je crois que tout est prévisible, chaque action de chaque personne (je ne m'étalerais pas sur le sujet) mais parler de destin, hélas je ne peux pas : je n'y crois pas. Donc je ne peux qu'être en désaccord avec cette idée d'éducation au destin (et encore plus en tant que fonction principale) au travers de la littérature car il n'y a pas d'éducation au destin pour moi.
Pour ce qui est d'une "éducation [...] à la mort" j'ai un avis mitigé. D'un côté oui, la littérature peut nous confronter à la mort et lorsqu'on lit une oeuvre littéraire on est touché par ce qu'il s'y passe, on a des
ressentis. Mais peut-on vraiment parler
d'éducation à la mort ?
D'un point de vu lecteur je crois que cela nous
sensibilise, nous donne un avant goût de ce qu'est là mort si on n'y a jamais goûté. Je me souviens avoir lu étant petit un bouquin qui racontait l'histoire d'un chien qui vivait d'aventures en aventures et qui, à la fin, mourrait assassiné rué de coups par son maître. J'ai été blessé, attristé, donné la mort ainsi à un être il n'y a rien de plus horrible. Pourtant je n'y ai vu qu'une simple
horreur humaine, je n'y ai pas vu le concept de la mort comme j'ai pu le voir lorsque j'ai vécu mes premières morts proches. Je pense que cela à une fonction d'éducation mais de manière très
limitée. Je pense aussi que l'on ne peut vraiment être touché par la mort d'un personnage que lorsque on a été confronté à la mort de manière
réel. Il y a un bouleversement nécessaire, naturel. Au delà du sujet, je dirais même qu'on ne peux apprendre la mort car chaque mort est différente par rapport au lien qu'on avait avec la personne. Il n'y a pas d'apprentissage de la mort, en fait non, ici il s'agirait plutôt d'un apprentissage à la confrontation de la mort dont je parle... Mais je reste quand même perplexe du point de vu lecteur quant à cette apprentissage. (désolé si j'ai un peu dévié)
Par contre, dans le sens de l'écrivain je pense qu'il y en a un. Mais un apprentissage
mirage. Je m'explique : ce qui en mon sens est le plus dure dans la mort et la découverte de
sa propre mortalité, à l'adolescence on découvre que l'on est pas immortel, qu'il va falloir vieillir et un jour trépasser. Et je crois qu'à partir de ce jour, on est tourmenté à
vie par la peur de la mort, même si on ne pense pas en avoir peur dans le fond tout ce qui est inconnu apporte une crainte, la crainte de
l'inconnu. Depuis ce jour on va essayer, je crois, de percé le mystère pour ne plus avoir à subir cette crainte justement. C'est là que la littérature pourrait avoir un effet éducatif. Le fait d'écrire, de décrire, de donner image à la mort, de poser noir sur blanc la mort permet de croire qu'on
sait. Qu'on connait la mort, qu'on la côtoie, qu'on l'attend parce que l'on a compris que c'était inéluctable et qu'on a percé son mystère. Et c'est là que je considère que ce n'est qu'un mirage car dans le fond on ne fait que se rassurer : se dire que c'est normal et que tout ce qui est normal ne peut apporter crainte.
"fonctions principales de la littérature" ? Je ne crois pas car au fond, la mort ne s'apprend pas, elle se
vie.
(j'ai tendance à être catégorique dans mes formulations, mais ça ne reste que mon avis
)